Банька по-белому
Vladimir Semënovič Vysotskij / Владимир Семёнович ВысоцкийVersion française de Sarah P. Struve | |
LE BAIN BLANC Juste ici, juste ici… Réchauffez-moi bien la sauna car je vais prendre un bain blanc, juste ici, sur le banc, dans un moment mon âme fatiguée tombera. Juste ici, dans la chaleur si languide la vapeur m’enflammera, je brûlerai dans le brasier mes scrupules, ma voix se fondra. Juste ici, juste ici, juste ici juste ici, sur mon signe ineffaçable de l’eau glacée je verserai, le tatouage du chef incontestable sur ma poitrine deviendra plus bleu. Quel massacre de forêts e d’âmes pour tracer des parcours et des anxiétés sur ma poitrine le profil de Staline, et Marinka sur l’autre moitié. Je dois ce paradis magnifique seulement à ma fidélité, et toutes ces années de ténèbres c’est le prix de mon ingénuité. Juste là, juste là, juste là derrière chez moi, au coucher j’ai été pris par les autorités, et depuis ce jour-là on m’entraîne de Sibérie en Sibérie ou plus loin. C’était des larmes, de l’alcool putride sur les chemins noirs dans les marécages, avec lui sur mon cœur pour qu’il comprenne que ce cœur ne battait que pour lui. Les détails me donnent des frissons, la vapeur me brouille et je sais, en oubliant les brouillards glacées dans ce brouillard brûlant j’entrerai. Juste ici, juste ici, juste ici les souvenirs frappent à ma porte, ils m’ont marqué à jamais, je sais je bats sur mes bleus avec des branches sur les traces des temps les plus noirs. Juste ici, juste ici, juste ici. | LA BANIA BLANCHE Patronne, chauffe-moi une bania blanche, De la lumière blanche, je me suis déshabitué. Je m'asphyxierai et, à moi le délirant, Délira la langue, la vapeur me brûlant. Patronne, chauffe-moi une bania, Je m'enfiévrerai, m'enflammerai, Sur le bord même du banc, En moi, le doute, j'extirperai. De chaleur jusqu'à l'inconvenance, je me griserai, Un seau d'eau froide; et au loin, tout s'estompera, Et le tatouage de l'époque du culte de la personnalité, Sur la poitrine gauche, bleuira. Chauffe moi une bania blanche, De la lumière blanche, je me suis déshabitué. Je m'asphyxierai et, à moi le délirant, Délira la langue, la vapeur me brûlant. Combien de fois et de forêts furent abattus, Combien de malheurs et de chemins furent connus ! Sur la poitrine gauche : Le profil de Staline Et sur la droite : Le portrait de Marinka Oh, pour ma foi de charbonnier, Combien d'années me suis-je reposé au paradis ! Pour une vie sans issue, j'ai échangé Mon insondable idiotie. Chauffe moi une bania blanche, De la lumière blanche, je me suis déshabitué. Je m'asphyxierai et à moi, le délirant, Délira la langue, la vapeur me brûlant. Je me souviens comme tôt, au petit matin, J'ai eu le temps de crier - aide-moi, frère ! Et deux beaux gardiens, De Sibérie en Sibérie, m'emmenèrent. Et après dans les carrières ou les marais, Ayant avalé des larmes et de l'humidité Nous tatouions son profil plus près du cœur Afin qu'il entende comment se déchirent nos cœurs. Chauffe moi une bania blanche, De la lumière blanche, je me suis déshabitué. Je m'asphyxierai et, à moi le délirant, Délira la langue, la vapeur me brûlant. Oh, mon corps s'enfièvre de ce récit jusqu'à la nausée, La vapeur chasse de l'esprit, les pensées, Du froid brouillard du passé Je m'engloutis dans un brouillard surchauffé. Les pensées se mettent à cogner sous mon crane, Il s'avère, que par elles je fus marqué inutilement, Et, avec des branches de bouleau, je fouette, L'héritage des sombres temps. Chauffe moi une bania blanche De la lumière blanche, je me suis déshabitué. Je m'asphyxierai et, à moi le délirant, Délira la langue, la vapeur me brûlant. |