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Nuit et brouillard

Jean Ferrat
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OriginaleVersione italiana di Riccardo Venturi
NUIT ET BROUILLARDNOTTE E NEBBIA
  
Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers,Erano venti, erano cento, erano migliaia,
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés,Nudi e magri, tremanti, in quei vagoni piombati
Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants,Strappavano la notte con le unghie disperate,
Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent.Erano migliaia, erano venti, erano cento.
Ils se croyaient des hommes, n'étaient plus que des nombres:Si credevano uomini, non eran più che dei numeri:
Depuis longtemps leurs dés avaient été jetés.Da lungo tempo ormai i loro dadi eran stati tratti.
Dès que la main retombe il ne reste qu'une ombre,Quando la mano ricade, non resta che un'ombra,
Ils ne devaient jamais plus revoir un étéNon avrebbero mai più riveduta un'estate.
  
La fuite monotone et sans hâte du temps,Lo scorrer monotono e senza fretta del tempo,
Survivre encore un jour, une heure, obstinémentSopravvivere un giorno o un'ora in piu', ostinatamente
Combien de tours de roues, d'arrêts et de départsQuanti giri di ruota, fermate e partenze
Qui n'en finissent pas de distiller l'espoir.Che non cessano di distillare la speranza.
Ils s'appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel,Si chiamavano Jean-Pierre, Natascia o Samuel,
Certains priaient Jésus, Jéhovah ou Vichnou,Qualcuno pregava Dio, qualcuno Yahvè o Visnù,
D'autres ne priaient pas, mais qu'importe le ciel,Altri non pregavano affatto, ma che importa al cielo,
Ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux.Volevan soltanto non vivere piu' in ginocchio.
  
Ils n'arrivaient pas tous à la fin du voyage;Non arrivavano tutti alla fine del viaggio,
Ceux qui sont revenus peuvent-ils être heureux?Quelli che son tornati, potevano esser felici?
Ils essaient d'oublier, étonnés qu'à leur âgeProvano a dimenticare, stupiti che alla loro età
Les veines de leurs bras soient devenus si bleues.Le vene delle braccia gli sian diventate tanto blu.
Les Allemands guettaient du haut des miradors,I tedeschi gurdavan da sopra le altane,
La lune se taisait comme vous vous taisiez,La luna taceva proprio come tacete voi,
En regardant au loin, en regardant dehors,Guardando lontano, guardando fuori,
Votre chair était tendre à leurs chiens policiers.La vostra carne era tenera per i loro cani poliziotto.
  
On me dit à présent que ces mots n'ont plus cours,Mi dicono adesso che queste parole non son più alla moda,
Qu'il vaut mieux ne chanter que des chansons d'amour,Che val meglio la pena cantar solo canzoni d'amore,
Que le sang sèche vite en entrant dans l'histoire,Che il sangue secca presto quando entra nella storia
Et qu'il ne sert à rien de prendre une guitare.E che non serve a nulla impugnare una chitarra.
Mais qui donc est de taille à pouvoir m'arrêter?Ma chi avrà il coraggio di fermarmi?
L'ombre s'est faite humaine, aujourd'hui c'est l'été,L'ombra s'è fatta umana, oggi è estate,
Je twisterais les mots s'il fallait les twister,Twisterei le parole se occorresse twistarle
Pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez.Perché un giorno i bambini sappiano chi eravate.
  
Vous étiez vingt et cent, vous étiez des milliers,Eravate venti, eravate cento, eravate migliaia,
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés,Nudi e magri, tremanti, in quei vagoni piombati
Qui déchiriez la nuit de vos ongles battants,Strappavate la notte con le unghie disperate,
Vous étiez des milliers, vous étiez vingt et cent.Eravate migliaia, eravate venti, cento eravate. [1]


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