Mentre passo da un ferito all’altro con un tremito di stanchezza alla gambe, coi calzoni inzuppati di sangue ai ginocchi, con le mani che sanno da carne cruda, mi pare impossibile arrivare a soccorrere tutti: non basteranno le fasce, le stecche, i lacci emostatici che ho con me.
Ed ecco mi viene incontro la figura ascetica del tenente Rossetti, con passo strascicato e con fare incerto, mi dice: “Sto male! Ho lasciato il comando del plotone al sergente, mi reggo in piedi a stento”. Poi procede a raccontarmi la lunga storia del reumatismo articolare acuto sofferto due anni addietro e conclude: “Non credi che bene prevenirlo, ricoverandomi all’ospedale?”
Io mi guardai attorno: v’erano feriti ancora non medicati che perdevano sangue, la distesi di quelli gravi era diventata imponente. E questo ufficiale volontario sceglieva quel momento per abbandonare il suo reparto e ragionava di prevenire un eventuale reumatismo.
Ed ecco mi viene incontro la figura ascetica del tenente Rossetti, con passo strascicato e con fare incerto, mi dice: “Sto male! Ho lasciato il comando del plotone al sergente, mi reggo in piedi a stento”. Poi procede a raccontarmi la lunga storia del reumatismo articolare acuto sofferto due anni addietro e conclude: “Non credi che bene prevenirlo, ricoverandomi all’ospedale?”
Io mi guardai attorno: v’erano feriti ancora non medicati che perdevano sangue, la distesi di quelli gravi era diventata imponente. E questo ufficiale volontario sceglieva quel momento per abbandonare il suo reparto e ragionava di prevenire un eventuale reumatismo.
Langue: français
Version française – LE RHUMATISME DU LIEUTENANT – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson italienne – Il reumatismo del tenente – Wu Ming Contingent – 2016
Texte de Daniele Bernardi, musique de Wu Ming Contingent
Les mots sont tirés des mémoires de Gino Frontali, Le premier été de guerre, publié par les éditions Il Mulino en 1998 et désormais hors catalogue.
Gino Frontali était né à Alessandria en Égypte en 1889. Passé sa licence en médicinier à l’Université de Bologne, il participa à la Première Guerre Mondiale en prêtant service en première ligne, comme sous-lieutenant médecin du 70ᵉ régiment d’Infanterie, brigade « Ancone ».
En 1916, il synthétisa son expérience dans un manuel pratique fort apprécié, « Le médecin de bataillon ». Après la guerre, il se spécialisa en pédiatrie et devînt un savant de renommée internationale. Il mourut à Rome en 1963.
De son journal, n’émerge pas de critique ouverte contre la guerre, mais plusieurs fois, il se montre ébahi des abus de pouvoir des officiers et de leur mépris pour la troupe.
L’épisode raconté ici se déroule durant les mois d’été de 1915, sur le front du Cadore.
Dialogue Maïeutique
Dis-moi, Marco Valdo M.I. mon ami, ne trouves-tu pas bizarre le titre de cette chanson-canzone ? Moi, je pense qu’il est assez inhabituel et j’aimerais que tu me l’expliques.
Ah, Lucien l’âne mon ami, ce « Rhumatisme du Lieutenant » est étrange et selon moi, il est révélateur d’une méprise et mérite une sérieuse mise au point.
Comment ça, Marco Valdo M.I. mon ami ? J’attends avec l’intérêt le plus vif ton explication. Il t’aurait été facile de le changer et de le remplacer par un titre plus adéquat.
Certes, Lucien l’âne mon ami, sauf que ce titre « Le Rhumatisme du Lieutenant » est précisément le titre qui convient le mieux, car c’est dans la chanson elle-même que se trouve la difficulté, l’erreur qui m’impose de donner une explication plus fournie qu’à l’ordinaire. Tout tient à la question du rhumatisme du lieutenant.
Je pense que tu sais, comme tout le monde, que les rhumatismes sont – dans le langage populaire – ces douleurs qui affectent les personnes d’âge par temps froid et humide ; ces douleurs même si elles rendent la marche ou le mouvement difficiles ne mettent en aucun cas la vie du rhumatisant en danger. Ce sont des maux relativement bénins.
Oui, dit Lucien l’âne en faisant rouler toutes ses jointures comme s’il craignait qu’elles ne fussent atteintes de ce fléau, je sais cela et j’ai connu beaucoup de vieux qui s’en plaignaient et qui éprouvaient de la peine à se mouvoir à cause de leurs « rhumatisses », comme on dit par ici. Cependant, il me semble qu’il n’y avait pas là – sauf peut-être plus tard, lorsque le mal s’aggrave – de quoi les hospitaliser. Au pire, on leur donnait une décoction de saule ou un antidouleur et on les envoyait se reposer dans leur fauteuil.
C’est exactement ça ; les « rhumatisses » sont une affaire de vieux et de toute façon, quoique douloureux, ils ne paraissent pas mettre la vie du bon vieillard en danger. Retiens, je t’en prie, le fait qu’il s’agit de rhumatismes, même si le parler populaire prononce « rhumatisses ».
À présent, venons-en à la chanson et au lieutenant qu’elle accuse de légèreté, quand ce n’est pas de lâcheté et à qui elle fait grief d’abandonner ses hommes pour un rhumatisme, puisque tel est le vocable utilisé par le lieutenant pour caractériser ce qui l’oblige à quitter son poste. Et la chanson de manière ironique est tout près de lui reprocher une désertion.
Avant d’aller plus loin, mettons les choses au clair : je ne connais pas ce lieutenant et je me fiche comme d’une guigne de sa réputation.
Alors quoi, dit Lucien l’âne qui signifie de ses yeux écarquillés sa complète incompréhension. Qu’est-ce que ça signifie cette insistance à dire que tu ne le connais pas et que tu te fiches complètement de sa réputation ? On s’en doute, vu qu’il y a de fortes chances qu’il soit mort bien avant ta naissance, dans un autre pays.
Évidemment que cela importe, car on pourrait me soupçonner de partialité dans ce que je vais établir. Alors ? Alors, il y a que le lieutenant Rossetti est relativement jeune (un vieillard ne serait pas là à commander un peloton dans les tranchées) et qu’il ne prétend à aucun moment souffrir de « rhumatismes », mais du « rhumatisme » articulaire, ce qui est tout autre chose. Ceci (la nécessité de distinguer les rhumatismes du rhumatisme et d’exposer les effroyables conséquences du rhumatisme articulaire) montre que le lieutenant avait plus que raison d’expliquer son état et ses antécédents ; lui savait ce dont il parlait et par ces explications, il voulait lever la confusion entre « rhumatismes » et « rhumatisme ».
Vois-tu, Lucien l’âne mon ami, le rhumatisme articulaire est très invalidant et en état de crise, il empêche vraiment de se mouvoir ; on en reste véritablement paralysé pendant des semaines et quand on en réchappe, il faut souvent réapprendre à d’abord se tenir debout, puis à marcher. Mais il y a plus encore. Le rhumatisme s’attaque aussi aux artères, au cœur et de ce fait, est la cause de ce que l’on connaît sous le nom d’ « angine de poitrine » ; à ce stade, il tue.
Mais enfin, Marco Valdo M.I. mon ami, la vraie question est de savoir si ce lieutenant ne tentait pas tout simplement de fuir le combat.
Eh bien, Lucien l’âne mon ami, tout démontre le contraire. Et tous les éléments de cette démonstration sont dans la chanson elle-même. D’abord, le lieutenant est un officier « volontaire », c’est-à-dire quelqu’un qui n’était pas légalement tenu de faire la guerre, c’est un homme mûr, qui a déjà été militaire et qui s’est réengagé, probablement pour la durée de la guerre. Sur le plan moral, c'est un patriote actif. Considère également le fait qu'il n’avait aucune obligation de se trouver dans la tranchée.
Ensuite, il y a les symptômes, la description de son état ; il dit exactement ceci :
C’est très clair : son visage est un visage d’ascète : mince, les traits creusés, blême et reflète une profonde douleur, il arrive à peine à marcher et il n’a pas son air habituel d’officier ; il déclare nettement ce qu’il ressent ; et il prend soin de raconter la précédente attaque du rhumatisme, deux ans auparavant… Cet homme est en pleine crise d’ « angor » (on l’appelle souvent « infarctus »), il comprend très bien ce qui lui arrive, il connaît le terrible danger qui le menace en l'absence de soins spécifiques et face à cela, il agit de manière tout à fait responsable : il remet le commandement au sergent ; ne pas le faire aurait été criminel vis-à-vis de ceux qu'il commandait.
Dès lors, on ne peut qu’approuver sa démarche. Qu’aurait-on fait d’un lieutenant quasi-mort et qu’aurait-il pu faire, ce lieutenant affaibli, pour assumer sa mission de commandement ? Par ailleurs, sentant se développer cette « crise cardiaque », il demande du secours, il sait qu’il est urgent de se faire soigner. Il était intelligent de l’envoyer à l’hôpital et il aurait été encore plus intelligent de ne pas l’incorporer et de ne pas l’envoyer au front.
Et comment l’affaire s’est-elle terminée ?, dit Lucien l’âne.
On n’en sait rien. La chanson ne le dit pas. Tu comprends maintenant pourquoi il fallait en passer par cette explication et défendre le lieutenant Rossetti des accusations infondées qui sont lancées contre lui. C’est juste une question de justice.
Maintenant, c’est fait. Alors, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde fauteur de guerres, belliqueux, injuste et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Chanson italienne – Il reumatismo del tenente – Wu Ming Contingent – 2016
Texte de Daniele Bernardi, musique de Wu Ming Contingent
Les mots sont tirés des mémoires de Gino Frontali, Le premier été de guerre, publié par les éditions Il Mulino en 1998 et désormais hors catalogue.
Gino Frontali était né à Alessandria en Égypte en 1889. Passé sa licence en médicinier à l’Université de Bologne, il participa à la Première Guerre Mondiale en prêtant service en première ligne, comme sous-lieutenant médecin du 70ᵉ régiment d’Infanterie, brigade « Ancone ».
En 1916, il synthétisa son expérience dans un manuel pratique fort apprécié, « Le médecin de bataillon ». Après la guerre, il se spécialisa en pédiatrie et devînt un savant de renommée internationale. Il mourut à Rome en 1963.
De son journal, n’émerge pas de critique ouverte contre la guerre, mais plusieurs fois, il se montre ébahi des abus de pouvoir des officiers et de leur mépris pour la troupe.
L’épisode raconté ici se déroule durant les mois d’été de 1915, sur le front du Cadore.
Dialogue Maïeutique
Dis-moi, Marco Valdo M.I. mon ami, ne trouves-tu pas bizarre le titre de cette chanson-canzone ? Moi, je pense qu’il est assez inhabituel et j’aimerais que tu me l’expliques.
Ah, Lucien l’âne mon ami, ce « Rhumatisme du Lieutenant » est étrange et selon moi, il est révélateur d’une méprise et mérite une sérieuse mise au point.
Comment ça, Marco Valdo M.I. mon ami ? J’attends avec l’intérêt le plus vif ton explication. Il t’aurait été facile de le changer et de le remplacer par un titre plus adéquat.
Certes, Lucien l’âne mon ami, sauf que ce titre « Le Rhumatisme du Lieutenant » est précisément le titre qui convient le mieux, car c’est dans la chanson elle-même que se trouve la difficulté, l’erreur qui m’impose de donner une explication plus fournie qu’à l’ordinaire. Tout tient à la question du rhumatisme du lieutenant.
Je pense que tu sais, comme tout le monde, que les rhumatismes sont – dans le langage populaire – ces douleurs qui affectent les personnes d’âge par temps froid et humide ; ces douleurs même si elles rendent la marche ou le mouvement difficiles ne mettent en aucun cas la vie du rhumatisant en danger. Ce sont des maux relativement bénins.
Oui, dit Lucien l’âne en faisant rouler toutes ses jointures comme s’il craignait qu’elles ne fussent atteintes de ce fléau, je sais cela et j’ai connu beaucoup de vieux qui s’en plaignaient et qui éprouvaient de la peine à se mouvoir à cause de leurs « rhumatisses », comme on dit par ici. Cependant, il me semble qu’il n’y avait pas là – sauf peut-être plus tard, lorsque le mal s’aggrave – de quoi les hospitaliser. Au pire, on leur donnait une décoction de saule ou un antidouleur et on les envoyait se reposer dans leur fauteuil.
C’est exactement ça ; les « rhumatisses » sont une affaire de vieux et de toute façon, quoique douloureux, ils ne paraissent pas mettre la vie du bon vieillard en danger. Retiens, je t’en prie, le fait qu’il s’agit de rhumatismes, même si le parler populaire prononce « rhumatisses ».
À présent, venons-en à la chanson et au lieutenant qu’elle accuse de légèreté, quand ce n’est pas de lâcheté et à qui elle fait grief d’abandonner ses hommes pour un rhumatisme, puisque tel est le vocable utilisé par le lieutenant pour caractériser ce qui l’oblige à quitter son poste. Et la chanson de manière ironique est tout près de lui reprocher une désertion.
Avant d’aller plus loin, mettons les choses au clair : je ne connais pas ce lieutenant et je me fiche comme d’une guigne de sa réputation.
Alors quoi, dit Lucien l’âne qui signifie de ses yeux écarquillés sa complète incompréhension. Qu’est-ce que ça signifie cette insistance à dire que tu ne le connais pas et que tu te fiches complètement de sa réputation ? On s’en doute, vu qu’il y a de fortes chances qu’il soit mort bien avant ta naissance, dans un autre pays.
Évidemment que cela importe, car on pourrait me soupçonner de partialité dans ce que je vais établir. Alors ? Alors, il y a que le lieutenant Rossetti est relativement jeune (un vieillard ne serait pas là à commander un peloton dans les tranchées) et qu’il ne prétend à aucun moment souffrir de « rhumatismes », mais du « rhumatisme » articulaire, ce qui est tout autre chose. Ceci (la nécessité de distinguer les rhumatismes du rhumatisme et d’exposer les effroyables conséquences du rhumatisme articulaire) montre que le lieutenant avait plus que raison d’expliquer son état et ses antécédents ; lui savait ce dont il parlait et par ces explications, il voulait lever la confusion entre « rhumatismes » et « rhumatisme ».
Vois-tu, Lucien l’âne mon ami, le rhumatisme articulaire est très invalidant et en état de crise, il empêche vraiment de se mouvoir ; on en reste véritablement paralysé pendant des semaines et quand on en réchappe, il faut souvent réapprendre à d’abord se tenir debout, puis à marcher. Mais il y a plus encore. Le rhumatisme s’attaque aussi aux artères, au cœur et de ce fait, est la cause de ce que l’on connaît sous le nom d’ « angine de poitrine » ; à ce stade, il tue.
Mais enfin, Marco Valdo M.I. mon ami, la vraie question est de savoir si ce lieutenant ne tentait pas tout simplement de fuir le combat.
Eh bien, Lucien l’âne mon ami, tout démontre le contraire. Et tous les éléments de cette démonstration sont dans la chanson elle-même. D’abord, le lieutenant est un officier « volontaire », c’est-à-dire quelqu’un qui n’était pas légalement tenu de faire la guerre, c’est un homme mûr, qui a déjà été militaire et qui s’est réengagé, probablement pour la durée de la guerre. Sur le plan moral, c'est un patriote actif. Considère également le fait qu'il n’avait aucune obligation de se trouver dans la tranchée.
Ensuite, il y a les symptômes, la description de son état ; il dit exactement ceci :
« La figure ascétique du lieutenant Rossetti,
Le pas traînant et avec l’air ébahi, il me dit :
« Je suis mal ! Je me tiens debout avec peine. »
Le pas traînant et avec l’air ébahi, il me dit :
« Je suis mal ! Je me tiens debout avec peine. »
C’est très clair : son visage est un visage d’ascète : mince, les traits creusés, blême et reflète une profonde douleur, il arrive à peine à marcher et il n’a pas son air habituel d’officier ; il déclare nettement ce qu’il ressent ; et il prend soin de raconter la précédente attaque du rhumatisme, deux ans auparavant… Cet homme est en pleine crise d’ « angor » (on l’appelle souvent « infarctus »), il comprend très bien ce qui lui arrive, il connaît le terrible danger qui le menace en l'absence de soins spécifiques et face à cela, il agit de manière tout à fait responsable : il remet le commandement au sergent ; ne pas le faire aurait été criminel vis-à-vis de ceux qu'il commandait.
Dès lors, on ne peut qu’approuver sa démarche. Qu’aurait-on fait d’un lieutenant quasi-mort et qu’aurait-il pu faire, ce lieutenant affaibli, pour assumer sa mission de commandement ? Par ailleurs, sentant se développer cette « crise cardiaque », il demande du secours, il sait qu’il est urgent de se faire soigner. Il était intelligent de l’envoyer à l’hôpital et il aurait été encore plus intelligent de ne pas l’incorporer et de ne pas l’envoyer au front.
Et comment l’affaire s’est-elle terminée ?, dit Lucien l’âne.
On n’en sait rien. La chanson ne le dit pas. Tu comprends maintenant pourquoi il fallait en passer par cette explication et défendre le lieutenant Rossetti des accusations infondées qui sont lancées contre lui. C’est juste une question de justice.
Maintenant, c’est fait. Alors, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde fauteur de guerres, belliqueux, injuste et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
LE RHUMATISME DU LIEUTENANT
Je passe d’un blessé à l’autre
Les jambes tremblant de fatigue,
Les jambes trempées de sang humain
Aux genoux, avec mes mains
Qui connaissent la chair à vif, il me semble
Impossible de secourir tous les soldats :
Les garrots, les bandes, les attelles,
Que j’ai avec moi n’y suffiront pas.
Et voilà que vient à ma rencontre
La figure ascétique du lieutenant Rossetti,
Le pas traînant et avec l’air ébahi, il me dit :
« Je suis mal ! Je me tiens debout avec peine.
J’ai laissé le commandement
Du peloton au sergent ».
Puis, il me raconte la longue histoire
Du rhumatisme articulaire
Qui le frappa, il y a deux ans
Et il conclut sérieusement :
« Ne faudrait-il pas prévenir ce mal,
En m’expédiant à l’hôpital ? »
Je regardai alentour :
Le sang des soldats coulait à terre,
La file des blessés s’étendait toujours
Et cet officier volontaire
Choisissait cet instant
Pour abandonner son contingent
Pour aller faire soigner préventivement
Un éventuel rhumatisme.
Je passe d’un blessé à l’autre
Les jambes tremblant de fatigue,
Les jambes trempées de sang humain
Aux genoux, avec mes mains
Qui connaissent la chair à vif, il me semble
Impossible de secourir tous les soldats :
Les garrots, les bandes, les attelles,
Que j’ai avec moi n’y suffiront pas.
Et voilà que vient à ma rencontre
La figure ascétique du lieutenant Rossetti,
Le pas traînant et avec l’air ébahi, il me dit :
« Je suis mal ! Je me tiens debout avec peine.
J’ai laissé le commandement
Du peloton au sergent ».
Puis, il me raconte la longue histoire
Du rhumatisme articulaire
Qui le frappa, il y a deux ans
Et il conclut sérieusement :
« Ne faudrait-il pas prévenir ce mal,
En m’expédiant à l’hôpital ? »
Je regardai alentour :
Le sang des soldats coulait à terre,
La file des blessés s’étendait toujours
Et cet officier volontaire
Choisissait cet instant
Pour abandonner son contingent
Pour aller faire soigner préventivement
Un éventuel rhumatisme.
envoyé par Marco Valdo M.I. - 1/5/2016 - 21:12
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Album: Schegge di shrapnel
Testo di Daniele Bernardi, musica di Wu Ming Contingent
Le parole sono tratte dal memoriale di Gino Frontali, La prima estate di guerra, pubblicato dalla casa editrice Il Mulino nel 1998 e oramai fuori catalogo.
Gino Frontali era nato ad Alessandria d’Egitto nel 1889. Laureato in medicina all’Università di Bologna, partecipò alla Prima Guerra Mondiale prestando servizio in prima linea, come sottotenente medico del 70° reggimento fanteria, brigata “Ancona”.
Nel 1916 sintetizzò la sua esperienza in un manuale pratico molto apprezzato, Il medico di battaglione. Dopo la guerra, si specializzò in pediatria e divenne uno studioso di fama internazionale. Morì a Roma nel 1963.
Dal suo diario non emergono posizioni di aperta critica all’impresa bellica, ma più volte si dimostra sbalordito dagli abusi di potere degli ufficiali e dal loro disprezzo per la truppa.
L’episodio qui raccontato si svolge nei mesi estivi del 1915, sul fronte del Cadore.
Wu Ming Foundation