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Crapoeuf

Marco Valdo M.I.
Lingua: Francese



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Crapoeuf

Canzone léviane – Crapoeuf – Marco Valdo M.I. – 2010
Cycle du Cahier ligné – 83

Crapoeuf est la huitante-troisième chanson du Cycle du Cahier ligné, constitué d'éléments tirés du Quaderno a Cancelli de Carlo Levi.

Ah, Lucien l'âne mon ami, je suis – comme toujours - très content de te voir... Georges Brassens, d'ailleurs, se plaisait à chanter un refrain qui n'était pas de lui ( mais de W.Heyman-J.Boyer) - et qui disait : « Avoir un bon copain / Voilà ce qu'il y a de meilleur au monde... » ( il n'y a d'ailleurs pas grand chose de plus dans cette savonnette)... Donc, fermons la parenthèse, et découvrons ensemble cette canzone que je viens de terminer et qui sort tout droit de la méditation du prisonnier. Elle est construite, comme tu le découvriras sur deux comptines enfantines : une parle du cochon, l'autre de l'œuf; à la fin, les deux s'emmêlent. Mais tu sais comme tout le monde que le rêve a sa logique propre qui bien souvent nous échappe.

Quant à moi, Marco Valdo M.I. mon ami, tu sais combien je suis heureux de ta compagnie... Surtout pour ce qui est de parler... À qui ? Avec qui ? Ta canzone le dit bien : parler est miraculeux, surtout dans le cas d'un âne comme moi. D'ailleurs, j'ai toujours pris la précaution de ne pas révéler – sauf à un ami sûr - mon don de paroles... On en a brûlé pour bien moins que çà. Et l'air de rien, j'y tiens à ma peau d'âne, surtout depuis que je t'ai rencontré et que je peux enfin parler. Mais cela dit, que veut dire ce titre bizarre : Crapoeuf... Je n'ai jamais entendu ce mot...

Tout d'abord, pour Crapoeuf, rassure-toi, c'est un mot qui ne veut rien dire, un mot libre en quelque sorte... Un de ces mots des comptines enfantines et qui n'ont pas trouvé à signifier quelque chose... Mais vu du côté de l'enfant, presque tous les mots sont pareils à celui-là et ce n'est qu'au fil du temps et des usages qu'ils finissent par trouver un emploi. Tu vois, Lucien l'âne mon ami, les mots sont comme les hommes, il y en a qui n'ont pas d'emploi et même qui n'en auront jamais... Ce qui pour eux est sans doute une bonne chose... Pour le reste, comme ce que tu dis est juste et sonne juste par rapport à la canzone. La parole, même le soliloque ( j'imagine assez le soliloque du solipède que tu as dû connaître dans la grande solitude où seuls le soleil levant et le vent étaient tes interlocuteurs) sont de bons compagnons et permettent de se libérer des emprises de la mort et du temps. Et puis, nous savons que notre ami le prisonnier-blessé-malade a pris cette voie de la méditation pour résister, résister encore. Ceci m'amène à la comptine de l'œuf qui raconte comment on soumet l'enfant au monde des maîtres, comment on le conduit à accepter, à embrasser sa carrière de valet, comment on le domestique. Une parabole du maître et de l'esclave où seul le refus de l'œuf, le refus de le briser et plus encore de le manger, de l'avaler permet d'échapper au destin de soumission que la société des maîtres veut imposer à tous. Ici, c'est l'œuf, là c'est l'hostie, ailleurs, c'est un autre rite de passage... Cette canzone, c'est une autre manière de raconter cette Guerre de Cent Mille Ans que les riches et les puissants mènent obstinément contre les pauvres afin d'imposer et leur domination et leurs privilèges. J'insiste, si tu veux bien, sur le fait que cette domination est perverse et tente de s'imposer dès la plus tendre enfance... C'est le sens profond de la canzone... Il s'agit donc de refuser la domestication et dès le départ, refuser de courber la tête, refuser les « plaît-il maître ? » et aider l'enfant dans ses refus. Autrement, plus tard dans la vie et mieux vaut tard que jamais, il restera toujours la solution de l'Oncle Archibald... lequel Archibald devrait figurer dans les Canzoni contro la Guerra.

Oh, oui, ce serait une excellente idée... moi, je l'aime beaucoup aussi l'Oncle Archibald... Pour autant, il n'est évidemment pas question d'accepter pareille diminution de l'être... Tout âne que je suis, j'ai toujours au plus profond de mon cœur ce goût de chardon sauvage qu'il faut aller chercher là-haut dans le soleil et le vent des plateaux rocailleux. L'âne que je suis entend bien préserver sa liberté et sa dignité et refuse de manger de cet œuf-là. Je veux te dire, Marco Valdo M.I., combien j'apprécie et je médite souvent la devise que tu nous a proposée : « Ne jamais se soumettre ».

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Voilà le porc
Celui-ci l'a tué
Celui-ci lui a brûlé les soies
Celui-ci l'a mangé
Celui-là a été oublié.
L'enfance est muette
Elle ne sait à qui parler.
Parler est miraculeux.
Parler vraiment, s'entend
Ce qui compte,
Ce sont ces mois,
Où chaque instant est un siècle,
Où les choses s'inventent.
La parole ou la peinture signifiantes
Changent le monde,
Libèrent des limites
De la mort et du temps.
Ne pensez pas que je préfère la pénombre confuse,
Le monde des innocents et des âmes mortes
Je connais le poids de pierre des mots
Et la lumière resplendissante.
Une cantilène de mon enfance disait, à peu près, ceci :
"Il était une fois un œuf, ovillon, crapoeuf,
Mais ensuite vinrent les maîtres et les valets
Qui mangèrent l'œuf, ovillon, crapoeuf,
Le détruisirent et l'anéantirent".
Les maîtres rongent, dévorent,
Et détruisent la vie.
C'est le monde du marché,
Où avec le mètre et la balance,
Tout est vendu et acheté.
Comptine des mères et des nourrices,
Avec une cuillère pleine de jaune d'œuf.
Chez l'enfant, la répulsion
Tourne en admiration
Il casse l'œuf, le mange
Et devient valet,
Du grand et du petit monde.
L'enfant,
Dans un paysage calciné
De coquilles vides et d'os de seiche
Subit le règne des maîtres.
Voilà l'œuf
Celui-ci l'a cassé
Celui-ci lui a ôté la coquille
Celui-ci l'a mangé.
Celui-là a refusé,
Il a gardé sa liberté.

inviata da Marco Valdo M.I. - 29/1/2010 - 21:45




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